CCCXCVI.

Insomnies à répétition. Compter les moutons n’a qu’un temps. Imaginez le futur aussi. Force est de se rabattre sur le passé. Que vais-je écrire demain où je dois mettre en ligne une énième chronique ? Le réveil lumineux à gros chiffres ne fait pas de détails. Il avance. Lui aussi, seul. Pour faire diversion, allumons la radio. C’est pire. A ce sujet, une réflexion ; autant on peut lire de vieux journaux, autant il est impossible d’écouter de vieilles radios. Ce serait pourtant utile d’écouter le journal parlé de mars 1954. Peut-être en apprendrait-on sur aujourd’hui ?

Vagabondant au fond du lit (image) je me promène en songe du côté de la place de la Pucelle. On a peine à croire que c’était autrefois un endroit étriqué, sans vie, refuge à bagnoles, clodos et cafés à l’abandon. Je me souviens en particulier du Bar des Antilles décoré de boiseries dans le style des années Trente. Il a disparu. Oui, non ? Ou était-ce les Bananiers ? Y aller voir.

De temps à autre, je dîne à La Tarte Tatin. Le genre, saladerie-crêperie, est sans surprise, encore que bruyant. Et pas cher. J’aime observer la clientèle. Beaucoup de jeunes, des filles surtout, et pas des mieux argentées. J’entends (j’écoute) les conversations. Les tables étant très rapprochées, la chose est facile. Un vieux monsieur qui lit un journal, ou qui a le nez piqué dans son assiette, personne n’y fait attention. Apprendre comment on vit aujourd’hui. Dans quoi on se débat. Un détail : je suis surpris par la façon dont ces jeunes gens parlent d’abondance de leurs parents. Et le pire : en bien.

Au-delà, ils se préoccupent de choses matérielles, terre à terre ordinaire, ou encore, seul apanage des filles, des histoires de cœur. Ce qui équivaut vite à parler cul. Dans ces cas, on baisse la voix et je saisis mal ce qui s’échange entre elles. Non que j’espère apprendre quoi que ce soit, mais qu’en pensent-elles, avant et après ?

A La Tarte Tatin, il y aux murs des écrans vidéos. On y voit s’agiter des stars chanteuses, adulées et démonstratives. A leur manière, ces spectres étasuniens veillent sur les fins de mois difficiles et les amours contrariées. Vitraux d’aujourd’hui.

A quatre heures, je rallume et reprends le livre en cours. Est-il question de dormir ou de rester éveillé ? Pour l’heure, il s’agit de repiquer le nez dans les Russes d’autrefois, ceux qui portaient de longues barbes blanches. Ai-je lu autrefois les nouvelles de Léon Tolstoï ? Aujourd’hui j’y découvre un brin de fraîcheur que je n’imaginais pas.

Curiosité, je lis de moins en moins de livres longs, histoire, mémoires ou roman. Désormais, la forme courte me suffit. Me rassure. Qu’irai-je à reprendre La Guerre et la Paix ? Craindrais-je de ne pas en venir à bout, je veux dire, dans le temps imparti ? Vrai aussi qu’on peut mourir en lisant une nouvelle ou un conte. Dites, aller à La Tarte Tatin ne me réussit pas. Faute à la galette auvergnate ? A croire.

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