CDI.

Vite, avant de tout disparaisse, il faut se souvenir de ce qui suit. Il existait, à l’angle de la rue Thiers et de la rue Jeanne d’Arc, côté square Verdrel, une agence de voyages. Cette agence était celle des voyages promus (et organisés) par notre cher Paris-Normandie, alors quotidien réputé. On me dit que l’agence (celle-là ou une autre) existe toujours (ou encore ?) au bas de la rue. Possible.

A l’époque dont je parle, Paris-Normandie existait encore (toujours ?). Les slogans l’affirmaient : journal complet, journal bien fait. C’était à peu près vrai. En tous cas, personne n’allait contre. Un soir, dans un bar, quelqu’un m’affirma qu’à l’Élysée, chaque matin, De Gaulle interrogeait le secrétaire chargé d’éplucher la presse : Qu’a dit Wolf ? L’assertion ne fit rire personne. Mon interlocuteur, plus abonné au Byrrh qu’au journal, croyait à ce qu’il disait. C’était l’essentiel.

Je ne fréquente plus les bars (y en a-t-il encore ?). Le cas échéant, y trinquerais-je avec quelqu’un prétendant qu’au moment d’ouvrir son mobile matinal, François Hollande demande : Qu’a dit Michel Lépinay ? La différence est que devant les bouteilles colorées, on ne sache plus très bien de quoi il est question.

Bon. Et l’agence de voyages ? Elle est devenue fleuriste. Vend-elle des couronnes mortuaires ? Probable. Du temps des voyages, la façade se composait de hauts panneaux de verre. De couleur noire, cernés de cuivre, ils étaient coupés à mi-hauteur de scènes illustratives. Un paquebot, un train, une mappemonde… L’époque était à l’esprit d’à-propos.

Un quatrième panneau montrait un Normand en costume traditionnel. Juché sur son âne, la face hilare, il cheminait sur fond de campagne indistinct. Où-allait-il ? L’autre jour, passant par le square, j’ai posé la question aux cygnes du bassin. Savez-vous où allait le Normand et son âne ? La réponse du premier cygne n’a pas tardé : Si nous l’avons su, nous ne tenons pas à en parler.

Comme je m’éloignais, le deuxième cygne m’a rappelé : Si j’étais vous, je demanderais à son âne. On le sait, le cygne aime plaisanter. N’empêche, sage conseil. Plus personne ne doute qu’aux meilleures questions, il est répondu autant d’âneries. L’expertise de ces animaux prévaut à toutes heures et en tous lieux.

Comme mon coup de bleu ne s’arrangeait pas, je me suis reposé à proximité. Sur un banc, sous les ormes et les charmes, tout prend un sens différent. C’est bien à moi de courir après de pareilles chimères. Oui, pourquoi vouloir continuer Rouen Chronicle sinon pour rattraper le Normand et son âne ? Car enfin, pour dire le vrai, voyager avec Paris-Normandie, personne n’y songe.

Rentrant, je suis passé par la rue Ganterie. Aux Délices de la Crosse sont devenus une énième succursale Paul. Plus propre, mais plus cher. A l’extérieur, on y observe de tendres fashionables juchées sur des tabourets. Peaux satinées, sourires absents, regards lointains, elles grignotent de petits pains qu’elles accompagnent de boissons mousseuses. Ah, il faut les voir s’absorber à être et paraître. Comme dit une vieille chanson : Avec une paille !

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