Le tribunal de commerce a décidé la liquidation de la raffinerie Petroplus de Petit-Couronne

(fil-fax 17/10/12)

Le tribunal de commerce de Rouen a prononcé mardi la liquidation de la raffinerie Petroplus de Petit-Couronne qui était en redressement judiciaire depuis le 25 janvier 2012. Il a écarté les deux offres de reprise encore en présence, celle du groupe APG (Alafandi Petroleum Group) et surtout celle de NetOil sur laquelle reposaient les espoirs des salariés. Le tribunal a estimé que les candidats n’avaient pas répondu à ses questions pour démontrer leurs capacités techniques et financières. Un ultime délai est accordé jusqu’au 5 novembre date effective de la liquidation de la société qui peut permettre en théorie aux candidats à la reprise de renouveler leur offre.

La liquidation de la société Petroplus Raffinage Petit-Couronne (PRPC) ne signifie donc pas un arrêt immédiat du site pour des raisons techniques et pour permettre d’honorer un contrat dit de “processing“ (commande à façon) passé avec Shell France. La poursuite d’activité est autorisée pour une période deux mois.

L’annonce a été faite sur les marches du tribunal par Yvon Scornet, l’un des porte-parole de l’Intersyndicale CGT, CFDT, CFE-CGC, sous les cris de déception et de colère des quelque trois cents personnes qui attendaient le jugement. « On a été lâché. On ne nous a laissé aucune chance », s’est exclamé M. Scornet en décrivant le sinistre économique, industriel et social que la disparition de la raffinerie provoquerait. Affirmant ne pas comprendre les raisons du rejet de l’offre de NetOil « qui a été améliorée au fil du temps », il a reconnu que s’il y avait un risque, il concernait uniquement celui que prendraient les salariés. « Malgré cela, ils ont décidé la liquidation. On a poussé des montagnes et aujourd’hui, on ne nous laisse pas notre chance », a déploré M. Scornet. Il a écarté l’argument du tribunal d’une supposée non fiabilité de NetOil. « Il ne serait pas sûr pour la sécurité. En quoi ça changerait, a-t-il demandé. C’est nous qui assurerons la sécurité ». Les salariés de al raffinerie de Petit-Couronne rappellent sans cesse qu’ils ont été capables de remettre en route la raffinerie en juin après cinq mois d’arrêt et martèlent que grâce à leur professionnalisme, aujourd’hui « Shell gagne de l’argent avec son contrat de processing ».

A court terme, les organisations syndicales semblaient déterminées à utiliser le court laps de temps jusqu’au 5 novembre pour trouver une solution de reprise qui devient de plus en plus improbable. Si des voix se sont fait entendre devant le tribunal de commerce en faveur d’une réaction immédiate par des occupations de dépôts pétroliers (comme Rubis Terminal à Rouen), l’Intersyndicale soutenue par l’Union départementale CGT a préféré donner rendez-vous jeudi pour une assemblée générale à laquelle sont appelés tous les syndicats de la région, et qui se prononcera sur les modes d’action. « Nous devons être nombreux. Sinon, on va à l’échec », a prévenu Jean-Luc Broutais de la CGT Petroplus. « Il faut qu’on la sauve, cette putain de raffinerie », a lancé Yvon Scornet.

Scornet : 

Les deux mois que l’on nous donne c’est pas un cadeau, c’est parce que l’on ne va pas lâcher une raffinerie dans la nature avec des produits dangereux avec des produits explosifs, ces deux mois là cela va être la mise en place d’un plan de licenciement, d’un arrêt des unités et d’une mise en sécurité des unités ,,, après on va nous dire il y a des repreneurs pour vos bacs nous ce truc là on en veut pas. On veut un projet industriel. Il y en avait un ,,, mais bordel de merde qu’il nous laisse notre chance c’est tout ce qu’on demande. Le risque, il est où ? Le risque il est d’abord pour nous, il y avaient certains créanciers (Pimag ?) si on ferme tout de suite ils seront remboursés de leurs créances ,,, donc il faut tuer les petits français pour que cela marche. La question est posée est-ce que la France peut se permettre d’avoir encore une raffinerie de moins. J’ai connu 23 raffineries aujourd’hui il y en a 8,,, ça s’accélère la fermeture des raffineries.

La déclaration de Me Jean-Marie Valentin, avocat de l’Intersyndicale

« Contre toute attente, le procureur de la République a tenu une position pour le moins assez agressive à l’égard d’Yvon Scornet qui, depuis 10 mois vous assiste et vous conduit dans ce difficile combat. Nous avons rappelé au tribunal que notre combat était un combat pour assurer un avenir à ce site. Nous avons demandé au tribunal de respecter les hommes et les femmes qui l’on menait [ce combat] avec dignité. Le tribunal a considéré que Netoil n’avait pas répondu à l’ensemble des questions qui lui avaient été posées et n’avait pas démontré sa capacité financière. Au regard de la décision du tribunal, vous n’êtes pas responsable de la situation que vous connaissez aujourd’hui (…). Cette décision ne marque pas la fin de l’histoire, elle marque la fin d’un chapitre et le début d’un nouveau chapitre qui va nécessiter que toutes les parties prenantes à ce dossier se mobilisent. J’attends que les pouvoirs publics prennent leur place à la table des discussions ainsi que les parties prenantes, notamment l’UFIP (chambre patronale des industries pétrolières, ndlr) qui jusqu’à présent font cruellement défaut ».

Sans une reprise, il faudra penser à “l’après“ 

La stupeur de la nouvelle passée, les manifestations verbales de colère des personnes présentes devant le tribunal de commerce se sont multipliées. Particulièrement visée : le tribunal de commerce ainsi que la société Shell qui était l’opérateur historique du site de Petit-Couronne. « C’est Shell qui est responsable, a hurlé de colère Laurent Patinier, porte-parole CFDT de l’Intersyndicale. « Ce n’est pas normal qu’elle ait laissé faire tout ça. Le gouvernement doit l’obliger à venir s’expliquer ».

Devant les salariés, le député PS Guillaume Bachelay, a fait part de « son émotion et de sa solidarité », propos souvent entendus dans la bouche des nombreux élus de gauche présent.

L’échéance du 5 novembre est bien dans les têtes. Le député qui a été très présent sur le site, comme l’ont souligné tous les syndicats, semble aussi penser à “l’après“ et à la forte probabilité d’échec. Peut-il y avoir autre chose qu’une raffinerie à Petit-Couronne, Cette option ne veut être envisagée par l’Intersyndicale qui récuse par exemple, une transformation du site en un dépôt de carburant.

« D’ici là (le 5 novembre) et après, a insisté M. Bachelay, nous devons tous continuer à agir pour préserver les emplois directs et indirects, valoriser les grandes compétences humaines, les productions et les savoir-faire existants, les atouts géographiques et économiques incontestables de la raffinerie, garantir le positionnement industriel du site de Petit-Couronne, pôle d’activité et de croissance majeur de notre territoire ».

Même tonalité pour Frédéric Sanchez, président (PS) de la CREA, qui « n’imagine la fin de l’activité industrielle sur ce site. Nous ne pouvons et nous ne devons pas nous y résoudre ». Il annonce que la CREA « sera pleinement partie prenante de tout projet de revitalisation et de ré industrialisation ».

Didier Marie, président du conseil général de la Seine-Maritime, demande comme M. Bachelay «  un vaste plan de réindustrialisation du site mobilisant les financements privés et publics. L’espoir tient à un fil, veut-il croire. Jusque-là tenons-nous-y. Ensuite, tous les acteurs devront assumer leurs responsabilités et nous prendrons les nôtres ». J’ai proposé d’envoyer dès demain un courrier – cosigné par les présidents de groupes de l’assemblée départementale – au Premier Ministre lui demandant de mobiliser tous les moyens pour permettre la poursuite de l’activité de Petroplus. »

Au conseil général de la Seine-Maritime, qui était en séance ordinaire ce mardi 16 octobre, le président du groupe communiste, Jean-Louis Jegaden, a ajouté la dimension havraise du sinistre annoncé avec « les entreprises de stockage comme la CIM, et le port du Havre ». « Nous demandons à François Hollande et au Gouvernement (…) d’aller s’il le faut jusqu’à la réquisition du site et la nationalisation de l’entreprise ».

A droite, le groupe Alternance 76 a fait part de son « soutien à toute initiative qui sera prise rapidement par le Conseil Général auprès du Gouvernement en vue de la pérennisation de l’activité du site Pétroplus ».

A l’extrême gauche, Christine Poupin (NPA), met en accusation Shell « et ses milliards de profits » en appelant le gouvernement français à « contraindre Shell à reprendre Petroplus Petit-Couronne et l’ensemble de ses salariés, sous la menace de la réquisition de ses biens et de ses avoirs en France ».

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