Rouen. Que sont nos rythmes devenus ?

La Mairie de Rouen a organisé, lundi 4 mars, une troisième réunion de concertation.

Une troisième réunion de concertation était organisée, lundi 4 mars, à la mairie de Rouen.


Il était une fois une réforme des rythmes scolaires

À l’origine, la réforme des rythmes a été lancée afin de mieux répartir la charge de travail des enfants en maternelle et en primaire. Le retour de la demi-journée supprimée en 2008 par le précédent gouvernement est sensé améliorer l’apprentissage de nos enfants à l’école.
À cela s’ajoute la mise en place d’un Projet Éducatif Territorial qui se traduit par des temps périscolaires supplémentaires, organisés par les communes, pour proposer aux enfants des activités culturelles, sportives et/ou artistiques. Si l’esprit de la réforme va dans le bon sens, le décret organisant la réforme me semble beaucoup plus contestable. J’ai déjà eu l’occasion ici ou  d’exprimer mon point de vue sur le décret. Je n’y reviens pas.

De la théorie à la pratique

Depuis le 17 décembre, la Ville de Rouen mène une concertation avec les enseignants et les parents sur la mise en oeuvre de la réforme. Si cette concertation a débuté sur un immense malentendu sur la place de la demi-journée supplémentaire (les représentants de la Ville étaient convaincus que le mercredi arrangeait tout le monde, alors que pas du tout), je dois dire que j’ai été agréablement étonné par la volonté de la Ville d’ouvrir le débat sur ce point alors que tout semblait arrêté. Malheureusement, cela fut la seule bonne surprise.
La Mairie a organisé, lundi 4 mars, une troisième réunion de concertation pour nous présenter son projet de mise en oeuvre de manière un peu plus concrète, et je dois avouer que cela a été un peu la douche froide.
La question de la place de la demi-journée supplémentaire a été rapidement abordée et sera soumise aux parents pour qu’ils donnent leur avis dessus. Un chiffrage rapide du coût de la réforme nous a été présenté. 63 euros par enfant (et par an) si la ville choisie l’option du samedi, 100 euros par enfant (et par an) si elle choisi le mercredi. Je n’ai pas tout compris au chiffrage et sur ce que cela englobe comme dépenses.
Ce que j’ai compris, c’est qu’on est loin des 50 euros par enfant promis par l’État sur 2013 et 2014 pour les communes mettant la réforme en oeuvre dès 2013. Ce que je regrette, c’est que dans cette consultation des parents, on ne leur demande pas leur avis sur la possibilité d’un report de la mise en place en 2014. Pour info, les enseignants se sont exprimés majoritairement pour le samedi (quand ils n’ont pas exprimé le souhait de reporter la réforme à 2014).

Alors qu’on l’anticipait sur l’emplacement de la demi-journée, c’est sur l’organisation des autres jours que la mauvaise surprise est apparue. Pour être dans les clous du décret, la Commune nous propose le schéma suivant :

  • Garderie du matin (comme avant)
  • Classe de 8h30 à 11h30
  • Pause déjeuner (ou pause méridienne) de 11h30 à 13h30 (15 minutes de plus)
  • Classe de 13h30 à 15h45
  • Goûter de 15h45 à 16h15
  • Garderie du soir de 16h15 à 18h (ca ne bouge pas)

Ce temps périscolaire n’étant pas obligatoire, les familles qui le peuvent pourront venir chercher leurs enfants dès 15h45. Pour celles qui le feront à 16h15, une participation pour le goûter sera demandée (de l’ordre de quelques centimes nous dit-on). Pour celles qui laisseront leurs enfants à la garderie, il n’y aura pas de surcoût vu que le goûter était déjà compris dans le prix.

Ma réforme pour un goûter

Tout le monde a tiqué sur le terme employé : « goûter ». Que sont devenus les activités sportives, artistiques, culturels promis par le décret ? La Mairie a bien tenté de nous rassurer en mettant sur la table les efforts déjà faits sur la petite enfance, cela n’a pas empêché un sentiment d’inquiétude de gagner l’auditoire.
Tout cela pour un goûter ? Il y a eu beaucoup de questions autour de ce schéma qui illustrent, à mes yeux, l’inquiétude qu’il suscite. Je ne doute pas de la volonté de la municipalité de bien faire, néanmoins, même en mettant de côté une éventuelle mauvaise foi de ma part, je demeure inquiet.
Comment peut on organiser des ateliers de qualité sur des créneaux aussi courts ? La mairie nous a demandé de lui faire confiance, qu’il y a déjà des ateliers mis en place à Rouen, sauf que, si j’ai bien compris, ils sont 80 (par jour ?) pour un total de 7 000 élèves. Si on compte 15 élèves par atelier, on sent bien intuitivement qu’il reste encore beaucoup d’efforts à faire si l’on veut que cette réforme profite à l’ensemble des enfants de Rouen. Cependant, le point qui m’inquiète le plus dans cette histoire, c’est que l’on devra payer pour avoir accès à ces temps périscolaires car ils sont associés au temps de la cantine et du goûter. Si un enfant a l’opportunité de manger le midi à la maison, n’est ce pas injuste de ne pas lui donner accès à ces temps d’épanouissement ?
Encore une fois, je ne doute pas de la volonté municipale de bien faire, mais le timing parait affreusement serré pour passer des paroles aux actes car tout cela nécessite que les temps scolaires et périscolaires s’articulent correctement.
La Mairie de Rouen a prévu trois réunions d’information d’ici la fin mars, date à laquelle elle devra rendre sa copie. Si elle communique avant les vacances de Pâques, les familles auront 4,5 mois pour s’organiser d’ici la rentrée. Si l’option du mercredi est retenue, comment va-t-on s’organiser si le transfert des enfants vers le centre de loisirs n’est pas pris en compte ? Faudra-t-il prendre une nounou ? (Pourra-t-on en trouver une ?) Faudra-t-il se mettre à temps partiel pour gérer le mercredi ?

Il n’est de vents favorables que pour celui qui sait où il va (Sénèque)

Tous les acteurs qui se sont exprimés lors de cette réunion de « concertation » ont exprimé le souhait de reporter la mise en oeuvre de la réforme à 2014. Non pas pour enterrer la réforme, mais pour prendre le temps de la mettre en oeuvre dans de bonnes conditions. Directeurs d’établissement, enseignants, parents veulent cette réforme (sûrement à quelques rares exceptions près). Cependant, il faut du temps pour la mettre en musique autour d’un projet d’établissement. Il faut se coordonner, il faut se parler. Quand voulez-vous que les enseignants et les animateurs se parlent d’ici la rentrée 2013 ? Pendant les vacances scolaires ?
Contrairement à ce que j’ai entendu lors de la réunion, il n’est pas juste de dire que la réforme rencontrera les mêmes difficultés qu’elle soit mise en oeuvre en 2013 ou 2014. L’âme humaine a effectivement horreur de l’incertitude, mais elle a aussi et surtout horreur de ne pas avoir de cap. Avec ce qui nous a été présenté lundi 4 mars, on sait qu’on y va, mais on ne sait pas comment on y va. Nous avons des schémas de journées, mais on ne sait pas comment vont s’organiser les différents temps entre eux. Ce qu’il faudrait, c’est que l’on ait un cap à la rentrée 2013 : on a le schéma de journée, il nous faut encore la place de la demi-journée. C’est amplement suffisant pour engager la réforme. Je préfère de loin avoir comme objectif la rentrée 2014 et un rétro-planning que me lancer en 2013 et me dire qu’on essuiera les plâtres (enfin, que nos enfants les essuient).
N’oublions pas non plus que cette question des rythmes n’est qu’une brique de la refondation de l’école promise par Vincent Peillon. Une brique qui se trouve en annexe du projet de loi d’ailleurs. Ne grillons pas toutes nos cartouches au tout début du marathon. Ce n’est pas très productif. Nous le devons bien à nos enfants.

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