CDLXXXVI.

Vous en ai-je parlé ? Sûr que oui. De quoi ? De l’immeuble de rapport (ça ne se dit plus) construit boulevard de l’Europe. Comme immeuble de rapport marque mal, on nous parle à présent de résidence étudiante. Ça fait plus chic et permet d’augmenter les loyers. Mais là n’est pas la question. Elle est que son architecte (connu ici pour son carnet de commande) a eu l’idée un tiers saugrenue, un tiers paresseuse, un tiers gros malin, d’habiller sa façade de motifs à la manière Piet Mondrian.

Pensez si on en a causé ! Êtes-vous contre, êtes-vous pour ? Chacun y allait de son opinion. La meilleure étant que c’était trop criard. Mondrian criard ? Pensez ! Comme de juste, aux dernières nouvelles, les anti-criards ont gagné. Ni une, ni deux, on a ressorti les pots de peinture et tout a été revu en blanc, un peu en noir, un peu en gris. Trois coups de pinceau, un coup de rouleau, et Piet Mondrian est devenu Daniel Buren ou Jean-Pierre Raynaud (en cas de doute, voyez les dictionnaires).

L’autre prétexte retenu était que le voisinage était contre (notez qu’il l’est souvent). Dans le cas présent, le voisinage, ce sont les détenus de la prison Bonne-Nouvelle. Ça n’étonnera personne : s’il y a des gens qui détestent Mondrian, c’est bien les justiciables. On peut même avancer que si le hasard (quoi d’autre ?) vous menait en prison, ne dites pas que vous aimez Mondrian. Là, je ne donne pas cher de votre peau. A Bonne-Nouvelle, ils sont, au mieux, action painting, au pire, support-surface (en cas de doute…). En dehors, rien, shampoing Dop et Ricoré. Donc, si vous y êtes, motus et bouche cousue. On cantine et on fait sa peine.

Mais il se dit aussi autre chose. Dînez-vous en ville ? Moi non plus, mais pas si souvent. L’autre soir, rue Grand-Pont, la façade Mondrian fut abordée. On en était au dessert, au fameux tiramisu, spécialité de la maison (infect). Après avoir débattu des prochaines municipales (j’y reviendrai) une mauvaise langue (il y en a tant !) posa la question : était-il vrai que… Que quoi ? Qu’un homme politique, ici incontournable, a fait part de son mécontentement. Passant par là et découvrant la folie Mondrian, il aurait dit : virez-moi ça ! Ce genre d’homme a l’habitude d’être obéi (sinon à quoi bon ?). Peu de temps après, fin du Mondrian. Retour à la case départ, sans passer par la prison.

Le personnage en question, on l’aura deviné, aime la vraie peinture. Celle qui dure et colle aux doigts. Et a l’habitude de donner son avis. Du reste, celui-ci est le meilleur. Nous en sommes d’accord. La preuve ? Autour de la table, on se récria. Ah, ce tiramisu, quelle réussite ! Même Aux Gourmets d’Italie, pas mieux (il en venait). A propos d’Italie, des projets pour cet été ? Le Lubéron ? Prendrez-vous du café ? Parce que moi, les conversations de coiffeuses… Un taxi un dimanche, c’est incroyable ! Bernadette, oui, de temps en temps…

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