Quand le Madrillet avait des ailes

Entre 1910 et 1968, l’actuel terrain du Zénith était occupé par l’aéroclub de Normandie. Quelques pages de l’histoire de l’aviation française se sont écrites dans le ciel stéphanais… En 1910, l’aviateur est élégant. Il porte moustaches, casquette de tweed, fume-cigarette. Les cols sont amidonnés, les cravates club. Les pulls jersey sont assortis de molletières de cuir, c’est selon l’humeur. Parfois, il va se faire tuer en Afrique, chargé par un buffle. C’est très chic. En 1938, un mauvais coup de vent l’enverra dans les branchages, le tuant net. Mais à bord d’un autogire, tout de même, l’ancêtre de l’hélicoptère. Le fait est connu des Stéphanais, puisqu’il est gravé dans la pierre, face au Zénith. La stèle dit : "Louis Antier, président de l’aéroclub de Normandie, 29 mai 1938".
Les habitants de Madrillet n’ont pas oublié que se tenait là, jusqu’en 1968, l’aéroclub de Normandie. L’histoire de ces terrains qui mènent au ciel commence en 1910, avec la Semaine de l’aviation, explique Daniel Noreux, auteur d’un ouvrage sur l’aéroclub du Madrillet. "Les usines libéraient leur personnel pour assister à l’événement. On venait en taxi de Paris." Au programme : acrobaties, loopings, courses… Et coups de cidre à la Bonne Galette, la buvette de l’aéroclub.

En 1910, le Stéphanais avait déjà vu des fous volants. Mais c’était à bord des nacelles de ballons captifs ou de dirigeables. "Dès la moitié du XVIIIe siècle, il existait, à Rouen et à Saint-Étienne-du-Rouvray, une tradition des baptêmes de l’air en ballons", confirme Daniel Noreux.
L’attraction valait son coup de cidre. "On expérimentait, on essayait un peu tout." Il n’y a qu’à regarder l’Antoinette, sourit Daniel Noreux : "Un canot automobile auquel son constructeur, Levavasseur, a ajouté des ailes." D’ailleurs, les hélices de l’Antoinette ressemblent à des pagaies… Mais, pour autant, l’aviateur ne ramait pas, du temps glorieux de l’aéroclub normand. Preuve de son élévation morale, quelques aviateurs étaient des aviatrices.

On connaît Maryse Bastié. Elle a sa rue et son arrêt de métro à Saint-Étienne-du-Rouvray. Mais la célèbre aviatrice n’était pas la seule à tenir le manche à balai. Elles étaient quelques-unes, titulaires du brevet de pilote d’aéroplane, dès l’origine. Parmi ces pionnières, il y avait une comédienne rouennaise, Élise Deroche, de son nom de pilote, la baronne de Laroche. Mais l’auteur ne peut dissimuler son admiration pour une autre pilote de la rive gauche, rencontrée lors de la rédaction du livre, Monique Caillard. La dame, maintenant âgée, fut pour l’auteur une précieuse source de renseignements et de photographies. Et l’ancienne pionnière n’a rien perdu de sa vigueur et de sa vivacité, confie-t-il.
Le livre de Daniel Noreux est une référence incontournable pour connaître l’histoire de l’aéroclub du Madrillet, ainsi que ceux et celles qui ont fait l’histoire de l’aviation française… dans les airs stéphanais.

À LIRE : Daniel Noreux, L’Aviation à Rouen et l’aéroclub de Normandie du Madrillet, 1910 à 1968 (éditions Ysec).

Les dessins sont de Claire Désiré-Roche

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