L’écoconception,levier de production de jouets « sains » ?

 

A la veille de Noël, l’association WECF interpelle les fabricants et distributeurs sur les enjeux de développer une démarche d’éco-conception, en limitant les polluants et l’empreinte écologique des jouets, pour « protéger la santé des enfants ».

 |   |  Actu-Environnement.com

Et si l’éco-conception était une nouvelle voie stratégique pour les fabricants et les distributeurs pour répondre aux consommateurs en demande de jouets « sains », à l’approche de Noël ? Telle était la question posée par le colloque de l’association WECF France (Women in Europe for a Common Future), organisé mi-novembre à Paris.

Alors que les normes chimiques de la nouvelle directive européenne « Sécurité des jouets » sont devenues obligatoires en juillet 2013, le WECF a réuni les acteurs du secteur pour « faire de l’éco-conception des jouets une réalité ». Quels sont les enjeux ? L’éco-conception, « c’est à la fois réfléchir aux matières premières et à leur innocuité, à un mode de fabrication qui réduit le nombre de polluants et l’empreinte écologique, ainsi qu’au cycle de vie complet des jouets », a expliqué Anne Barre, présidente de l’ONG.

Haro sur les jouets toxiques

Des phtalates dans les jouets en plastique, du formaldéhyde dans ceux en bois, des retardateurs de flammes bromés dans les poupées et les peluches, ou encore du formamide dans les tapis-puzzles… Autant de substances chimiques classées cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR) interdites en Europe dans les jouets depuis seulement juillet dernier par une directive de 2009. « Pourtant le bilan est mitigé : les perturbateurs endocriniens sont les grands absents du texte qui prévoit également des dérogations aux interdictions des CMR avérés ou suspectés dont le formamide ou les hydrocarbures aromatiques polycycliques par exemple », a alerté Mme Barre. Ces substances « dangereuses sont toujours présentes dans les jouets auxquels les enfants sont exposés quotidiennement« .

En 2012, sur 299 jouets contrôlés en France sur leur teneur en phtalates et en métaux lourds, 16% étaient encore non conformes, a souligné Patricia Blanc, directrice générale de la prévention des risques, en ouverture du colloque. Selon la direction générale de la répression des fraudes (DGCCRF), 350.000 jouets ont été retirés du marché en 2012.

« Aujourd’hui, il est essentiel pour le secteur du jouet de prendre en compte la demande des consommateurs pour des jouets sains et écologiques. L’éco-conception est certainement une piste de travail appropriée, et elle devrait faire partie de la stratégie de responsabilité sociétale de toute entreprise« , a réitéré Anne Barre. Comment ? Des initiatives en la matière ont déjà été lancées.

Limites de l’ACV et des substituts

Depuis 2010, dans le cadre de la plateforme Ademe-Afnor sur l’affichage environnemental, un groupe de travail a été mis en place pour définir une méthodologie d’analyse du cycle de vie (ACV) des jouets en plastique dur (polycarbonate), en caoutchouc naturel et synthétique et ceux en bois, a rappelé Emilie Machefaux, en charge du service Éco-conception à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). La Fédération française des industries du jouet et de la puériculture (FIDJ) et l’Ademe cofinancent aussi un projet pilote « ACV des jouets » visant à identifier les indicateurs d’impacts environnementaux. « Les travaux sont en cours. Mais il est difficile d’établir une méthodologie dans ce secteur, il s’agit de jouets variés qu’on doit couvrir dans un référentiel », a reconnu Mme Machefaux.

La substitution des matériaux utilisés est également critiquée. Laurent Delbreilh, chercheur à l’Institut des matériaux de Rouen a pointé « la durée de vie et l’innocuité réelle » des jouets en bioplastique issu de maïs, un matériau « fragile auquel il faut ajouter des additifs ». De son côté, Philippe Schiesser, directeur du bureau d’études Ecoeff a souligné la difficulté d’intégrer la question des substances dans les ACV des jouets importés « car il y a des problèmes d’audits sociaux dans les reporting des fournisseurs« .

Un marché émergent

Autre obstacle : les délais d’élaboration du design « ne rendent pas aisés cette démarche ». Il faut compter deux ans « entre le design et la sortie du jouet  » éco-conçu », a précisé Alain Pineau, designer de la société thaïlandaise Plan Toys, pionnière en la matière. Depuis 30 ans, Plan Toys crée ses jouets à partir de bois de caoutchouc recyclé « provenant d’arbres qui ne produisent plus de latex. Le bois est libre de tout produit chimique et les peintures utilisées non toxiques. Tous les produits sont soumis à des contrôles de qualité et de sécurité répondant aux normes européennes, américaines et japonaises », a indiqué M. Pineau. Les jouets de Plan Toys sont notamment distribués chez Nature et Découvertes et Wesco.

En France, la PME Bioviva propose également des jeux ludo-éducatifs recyclables et « imprimés à partir d’encres végétales ». Elle participe à la plateforme Afnor-Ademe aux côtés de La mèche rebelle, entreprise dédiée aux jouets éco-conçus depuis 15 ans. La mèche rebelle a également participé à l’expérimentation nationale sur l’affichage environnemental.

De son côté, le fabricant français Vulli de Sophie la girafe en caoutchouc naturel « s’adapte à la démarche », a indiqué Guillaume Baradel, responsable marketing de la société. La célèbre girafe avait fait l’objet de polémiques fin 2011, accusée par l’association UFC Que Choisir de contenir des traces de nitrosamines (substances cancérigènes) alors que le jouet était conforme aux normes européennes. Vulli a modifié sa fabrication « afin d’obtenir un résultat de zéro trace ». Aujourd’hui, le fabricant mène un projet de réemploi de déchets de caoutchouc naturel en partenariat avec l’Ecole nationale supérieure de création industrielle (ENSCI).« Nous travaillons sur le recyclage du caoutchouc avec l’Ademe pour créer de l’énergie, nous récupérons les eaux pluviales, dressons un bilan environnemental du packaging », a ajouté Guillaume Baradel.

Les jouets éco-conçus et « donc sûrs pour la santé des enfants, ne sont et seront-ils réservés qu’aux consommateurs avec des moyens financiers suffisants ?, a demandé Marie-Jeanne Husset, ex directrice de 60 millions de consommateurs. Les gains réalisés sur certaines matières premières, en dépenses énergétiques et « en analyses d’innocuité sanitaire rendent le business model viable et les prix accessibles », estime Anne Barre, présidente du WECF, soulignant « l’enjeu stratégique important des entreprises ».

Rachida Boughriet

 

 

Posts created 1543

Articles similaires

Commencez à saisir votre recherche ci-dessus et pressez Entrée pour rechercher. ESC pour annuler.

Retour en haut