DLXXXVIII.

Une lectrice m’attrape. Elle croit que j’ai dit du mal de son marchand de thé. Je suis à côté de la plaque dit-elle. Encore une durassienne. A côté de la plaque ? Sans aucun doute et, parole, il y a longtemps. Je bois peu de thé, beaucoup de café. Trop d’après mes médecins. Surtout le soir, ce qui m’empêche de dormir. Ce faisant, la nuit, je pense à nombre de choses. Tristes, heureuses ou utilitaires. Ou alors je rallume, et je lis. La vie tranquille par exemple. Puis j’éteins. Le café du soir est toujours là.

J’achète mon café chez Monoprix. Ni cher, ni pas cher. Dans la moyenne. Il y a longtemps que j’ai cessé de fréquenter La Cloche d’Argent, la Ti Tane, ou Cadrincourt (avec particule). Je ne me sers plus de cafetière et de filtre. Trop de tintouin. Et aussi Léone a cassé mon antique Cona. Au vrai, je me suis rangé au Nescafé. Celui réputé Intense. Tout à fait moi. Ailleurs, je regarde d’un œil absent les nouveautés Nespresso et autres machines dispendieuses.

Dommage pour moi car j’aimerais pouvoir encore poser à l’homme moderne. Machine à capsules, petites tasses, variétés des arômes, et moi dans mon costume. Le coup en serait-il rattrapé avec ma difficile lectrice ? Etre une heure, une heure quelquefois, Georges Clooney et con à la fois. Chanson connue. Mais voilà, inutile de s’illusionner. Me restent l’ironie et l’esprit critique. C’est peu, quand on y songe.

D’autant que nos heures sont avares en sujets. La Coupe de monde s’achève, le Tour de France ne viendra pas à Rouen, le pont Mathilde se reconstruit tout seul… Rien qui m’inspire. Je voulais aller voir L’Etourdi dans l’aître Saint-Maclou. La pluie m’en a empêchée. Non qu’il pleuve, mais il allait pleuvoir. Ici, c’est tout comme. Je suis resté chez moi, devant la télévision, m’attendant d’y voir Georges Clooney. Rien, pas même l’ombre. Tant pis, ce sera pour demain.

Mon exemplaire de la Vie tranquille est une édition d’origine (service de presse) achetée d’occasion. Il a appartenu (la première page l’indique) à Annette Jouve. Qui fut qui ? Une durasienne d’autrefois sans doute (le roman date de 1944). Une liseuse, en tous cas. Par les temps qui courent, le genre se fait rare. Où ai-je récupéré ce livre ? Au Clos sans doute. Là où aboutissent tant de réputations et de qualifications. Au rayon brocante, fosse commune des illusions.

Autre commentaire reçu : il parait que je me répète. Le moyen de faire autrement ? Si on trouve que le monde se renouvelle, qu’on me fasse signe. Le fait est que ma chronique marque le pas. Pas au meilleur de ma forme. A l’image de Rouen, sans doute. Notez-vous, comme moi, dans les rues, comme un manque d’entrain, une lassitude, quelque chose tenant du laisser-aller ? J’en parlais l’autre jour avec le balayeur de ma rue. Ah, monsieur, me dit-il, c’est que les élections sont passées ; et d’ajouter : maintenant, ce sera pour Noël. J’en suis encore à me demander d’où il tire cette philosophie.

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