DLXLI.

La rue Verte, dans sa partie proche du Chemin de Clères, est tranquille. Peut-être trop. De fait, inquiétante. Maisons sages, maisons vides. Maisons où les vies s’écoulent. Oui, mais en apparence. Je découvre la rue Charles-Angrand (peintre oublié) laquelle enserre une maison à l’abandon. Décor à la Paul Gadenne. Pour ceux qui lisent encore cet auteur. De fait, n’est-ce pas déjà beaucoup pour un quartier ?

Un peu plus haut dans la rue, une maison qu’on restaure (qu’on retape dit-on). Fenêtres ouvertes, les peintres s’activent. Ambiance jeune et décontractée. Ceci laisse supposer une entreprise d’amateurs. Ça s’amuse et parle fort. Dans cet esprit de rigolade, j’entends : Vive Staline ! On va leur botter le cul, aux Russes ! Est-ce assez dire, en cet après-midi d’août 2014 ? Alors qu’on commémore la Libération ou le Débarquement ! Et où la guerre est partout. Bref, jour où on constate, comme définitif, le désenchantement du monde. Qu’il pleuve ou non.

Il y a donc, pour cette jeune peinture, même dans la confusion du temps et des genres, des raisons encore pour s’enthousiasmer. Que faire d’autre en repassant une couche de blanc ? Certes, on s’épargnera une explication de texte, toujours oiseuse. Quel intérêt y aurait-il à entrevoir le pourquoi du comment d’un pareil cri ? A ce stade, Valentine semble posséder des vertus ignorées. Peut-être incontrôlables.

Arrivé en haut de la rue, nous sommes à ce qui était autrefois le Chant des Oiseaux. Lieu-dit. Là, une supérette, un pharmacien, un boulanger. De quoi survivre en attendant la Victoire. A noter qu’il existait ici, autrefois, un cinéma. Il a disparu. L’ensemble immobilier qui le remplace est sans aucun charme. Même pas une série B ou Z. Poursuivons. Quel plaisir pour l’esprit de monter la rue des Quatre-Amis, l’avenue de Nice ou d’atteindre le Mont-Fortin ! Plaisir pour l’esprit, car pour mes jambes de vieillard, l’épreuve est rude.

Il manque, en haut, dans l’allée dite du Panorama, un café champêtre ou l’on pourrait s’asseoir, commander de la bière fraîche, déguster d’excellentes pâtisseries. Le midi, les peintres néo-staliniens viendraient y découvrir « frites maison » et bœuf en daube. Or, croyez-le pas, rien de cela n’existe. Le vide creux d’une lente atmosphère. L’attentisme des jours heureux ? Est-ce à dire que des gens vivent là et ne s’en portent pas plus mal ? Je n’en crois rien. De plus, j’ai des difficultés à trouver un muret pour m’asseoir.

Redescendant des hauteurs, je n’ai pas revu mes peintres. L’Ukraine, le petit père des peuples, et le white-spirit sont remisés. A demain pour les finitions. C’est fou comme ce genre de promenade peut vous mettre le moral à plat. Cheminant, j’ai repensé à Paul Gadenne. Que m’en reste-t-il ? Rentré chez moi, sur la haute étagère, j’ai voulu vérifier une ou deux dates. Ce que dit la quatrième de couverture de Siloé (paru en 1941) : à partir de moyens narratifs simples, l’auteur crée une lourde atmosphère, où s’expriment la solitude de l’Homme et la difficulté de son existence. Oui, c’est bien ce que je pensais.

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