Le grand écart du président Hollande au Canada sur le climat

LE MONDE |  le | Par Martine Jacot

 
François Hollande, lors d'une allocution au Parlement d'Ottawa, le 3 novembre.

François Hollande, qui devait terminer au Québec, mardi 4 novembre, une visite d’État de trois jours au Canada, s’est livré à un exercice délicat sur le climat devant ses hôtes, mais son discours, lundi, devant députés et sénateurs au Parlement d’Ottawa, a suscité une ovation dans les rangs de l’opposition lorsqu’il a évoqué ce thème.

Dans le parc national de Banff, dans le sud de la province de l’Alberta, au pied des montagnes Rocheuses où il s’était rendu la veille, jusqu’à la capitale du Canada, le président a promu le savoir-faire des entreprises françaises dans l’exploitation des sables bitumineux, extraits à grande échelle dans le nord de cette province. Sans la moindre allusion à la destruction de l’environnement que cette industrie occasionne ni à leurs effets polluants. « Je souhaite que la France puisse continuer à mettre en valeur les immenses richesses de l’Ouest canadien, que ce soit dans les techniques d’exploitation, de transformation, d’acheminement des hydrocarbures ou dans la construction d’infrastructures », a-t-il déclaré. Le chef de l’État, accompagné dans sa visite de 38 chefs d’entreprises françaises, petites ou grandes, a précisé que « Total réalisait actuellement en Alberta son plus gros investissement au monde », en utilisant, selon lui, « des techniques respectueuses de l’environnement ».

Mise en garde du GIEC

Parallèlement, et sans y voir matière à contradiction, M. Hollande s’est efforcé de convaincre le Canada de s’impliquer activement dans la lutte contre le réchauffement climatique, à l’instar des pays de l’Union européenne, qui ont récemment décidé de réduire de 40 % leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici à 2030. Il n’y est apparemment pas parvenu, même si son plaidoyer a coïncidé avec la mise en garde, diffusée dimanche, par les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) aux gouvernements de la planète, pressés d’adopter des mesures supplémentaires pour freiner le réchauffement climatique.

Le Canada du premier ministre conservateur Stephen Harper, qui s’est retiré du protocole de Kyoto, est mal parti pour respecter ses propres engagements de 2009 à Copenhague (ramener d’ici à 2020 ses émissions à 17 % sous leur niveau de 2005). Ottawa estime inutile de consentir d’importants sacrifices tant que les gros émetteurs planétaires de GES, Chine et États-Unis en tête, ne s’engagent pas eux-mêmes à consentir de substantielles réductions. En d’autres termes, explique-t-on en coulisse à Ottawa, le Canada ne sacrifiera pas sa croissance – tirée par le pétrole mais fragilisée par la baisse actuelle des cours du baril – sur l’autel de la protection de l’environnement, quand d’autres pays polluent bien davantage que lui.

« Relation exceptionnelle »

Politiquement aux antipodes, François Hollande et Stephen Harper – qui se sont parfois tutoyés en public – sont apparus à l’unisson dans les grands dossiers de politique internationale. A plusieurs reprises, le premier ministre canadien a salué « le rôle majeur » et le « leadership » exercé par la France en Libye, en Syrie et en Irak – les forces armées canadiennes ont procédé dimanche à leurs premières frappes contre l’État islamique près de Falloudja –, de même que dans les crises malienne (le Canada a fourni une aide logistique à la France) et centrafricaine. La lutte contre Ebola va par ailleurs mobiliser des efforts conjoints en Guinée, sur le terrain et dans les laboratoires, en vue de la mise au point de traitements ou de vaccins.

Autre exercice délicat : comment le Québec – la seule province à majorité francophone du Canada, unie par des liens « directs et privilégiés » avec la France depuis des lustres – perçoit-il la volonté de M. Hollande de donner aux relations franco-canadiennes « une nouvelle impulsion » sur la base du développement de l’Ouest canadien ? « Si nous avons pour le Québec de l’amour, nous avons aussi de l’amitié à offrir à tout le Canada », a expliqué M. Hollande. Avant de plaider, à Québec, pour un approfondissement, dans tous les domaines, de la « relation exceptionnelle » bilatérale.

 

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