j’étais à Berlin ce jour là

~~Ce jour de 1989 ….à Berlin est pour quelques photos.. L’avion était presque vide et le passage dans le corridor toujours annoncé par le pilote suscitait un peu d’émotion. J’espérais faire quelques photos à Berlin Est. Mon séjour à Budapest lors de l’ouverture de la frontière m’avait conforté dans l’idée que la fin du communisme bureaucratique était à portée d’appareil photographique.

Je retrouvais mes amis de Prenzlaueurberg à l’Est qui continuaient à faire tourner la boutique communiste malgré ce grand vent de liberté qui soufflait depuis la mort d’Andropov. On était avant tout allemand et l’on respectait l’ordre et les ordres. Rien ici à Berlin est n’était triste ou gris comme on peut l’écrire ici ou là. Paradoxalement la société es- Allemande était beaucoup plus libre qu’à l’ouest !

Certes la Stasi posait son regard sur tous les instants de la vie quotidienne, mais dans les faits elle apparaissait de plus en plus comme une composante incontournable de la société, on en jouait, la détournait et l’on savait surtout jusque ou aller pour cohabiter avec cette dictature du bonheur obligatoire. Une grande partie de la jeunesse, de ma jeunesse croyait à un monde sans armes et sans conflit, à un monde hérité de 1968 ou la décroissance est le fruit de nouvelles expériences.

À Berlin Est comme en Allemagne de l’Ouest, l’écologie était en vogue et la Stasi n’intervenait jamais auprès des militants pacifistes. Lorsqu’on nous a annoncé dans la soirée à Beate qui finissait son doctorat d’économie politique et à moi l’ouverture de la porte, nous n’avons pas sauté de joie .Nous savions qu’il y avait enfin la liberté pour tous et cette liberté que nous avions souhaité, mais nous savions aussi que se terminait une civilisation. A ces concerts organisés par les jeunesses socialistes ou j’avais fait des photos de David Bowie, de Paco de Lucia .A ces grands parcs en plein centre de Berlin est ou les Berlinois courraient nus à la pause de midi sous les fontaines d’eau. Ces locomotives à vapeur qui traversait en sifflotant vers le pays de Goethe en Thuringe.

À cette formidable expérience d’une société de la décroissance qui devait dorénavant s’agenouiller devant le totalitarisme de la finance. A tous ces agents de la STASI qui échangeaient des devises pour payer un jean levis à leurs enfants ,aux disques que l’on se passait sous le manteau ,à l’opéra qui coûtait moins d’un euro ,aux loyers qui ne dépassaient pas les 20 euros .

Lorsque le matin nous regardâmes cette foule perdue dans les rues de Kreutzberg à la recherche des cinémas pornos et des boutiques de vêtement, nous ne pouvions qu’éprouver une certaine gêne devant cette liberté-là . Les berlinois ouest nous jetaient des bananes en guise de bienvenue, une façon très symbolique de signifier la victoire du bien sur le mal.

J’ai hais cette dictature des concierges, des bureaucrates …le monde qui s’est déroulé depuis derrière nous ne me fait nullement regretter la fin de la dictature communiste, mais devant ces nouvelles formes de contrôle social, de surveillance et de bureaucratie, je me demande toujours si, au final, le mur de l’oppression est vraiment tombé ce 9 novembre 1989.

À Théo… Igor Deperraz

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