IDENTITE NORMANDE: dialogue entre Arnaud BRENNETOT et Didier PATTE

L’intérêt précieux de l’identité normande, par les temps qui courent, c’est qu’elle n’est pas identitaire…

Le magnifique travail de l’historien François GUILLET sur la renaissance de l’idée régionale en Normandie après la période révolutionnaire et tout au long du XIXe siècle, démontre que cette identité régionale normande, pionnière en France en matière d’identité régionale, est tout sauf un essentialisme ethnique à la mode « Herder » (un peuple, une langue, un territoire, une race…) mais s’est constitué dès le départ comme une contemplation intellectuelle et esthétique d’un patrimoine historique et culturel prestigieux. L’identité normande est aussi et surtout un art de vivre construit par la pratique du droit normand qui avait pour valeur principale, la défense des droits individuels. D’où la formule du Normand « sire de seï » (Seigneur de soi-même) qui fera dire au philosophe Michel Onfray qu’ « être Normand c’est un « dandysme »

OUI ! DE LA NORMANDIE NOUS EN VOULONS ENCORE…

 

L’Etoile de Normandie vous propose donc un dialogue fort intéressant et riche sur cette question essentielle de l’identité normande entre le géographe rouennais Arnaud BRENNETOT du collectif des Qunze géographes universitaires normands et Didier PATTE, président et fondateur du Mouvement Normand, principale association régionaliste normande :


 

Publié le 10/12/2014 á 22H00
« Vers une renaissance de la Normandie ? »
Arnaud Brennetot (à g.) et Gérard Granier (à d.) animeront un débat « Normandie : la renaissance d’une région ? »
demain vendredi, à 17 h 30, à l’université de Rouen


«La Normandie occupe une place originale parmi les régions françaises. Sa division en deux entités distinctes a longtemps été considérée comme une anomalie, et même une erreur par certains des administrateurs ayant participé au précédent découpage de 1956. La fusion des deux régions normandes annonce-t-elle pour autant une renaissance de la Normandie historique ? Correspond-elle à ce que beaucoup nomment une « réunification », comme si la Normandie avait été préalablement déjà unie ? Cette union peut-elle être interprétée comme la réparation du démantèlement de la Normandie en cinq départements, décidé lors de la Révolution française ?

Une unité longtemps absente

Sous l’Ancien Régime déjà, malgré un ressort judiciaire s’étendant à l’ensemble de la Normandie pour le Parlement, siégeant à Rouen, la province était découpée au niveau administratif. Et ce ne sont pas deux mais trois entités qui coexistaient alors : les trois généralités de Rouen, Caen et Alençon avec, à la tête de chacune, un intendant. Néanmoins, seul le pragmatisme dirigeait cela et l’identité normande demeurait bien réelle. Une identité qui se manifeste en particulier par le maintien du droit coutumier normand jusqu’à la fin de l’Ancien Régime.

Après la nuit du 4 août 1789 et l’abolition des privilèges, la Normandie est intégrée dans la nouvelle architecture administrative. Elle ne disparaît pas pour autant. Certaines administrations épousent en effet le périmètre de la Normandie : l’Académie de Caen (qui comptait également la Sarthe), la Préfecture régionale de l’État français en 1941, puis le Commissariat de la République en 1944 ou la chambre d’agriculture créée en 1969. D’autres, au contraire, la divisent en plusieurs ensembles : les cours d’appel, les régions militaires, les groupements économiques régionaux en 1919. Aucune stratégie stable et délibérée n’a donc présidé aux découpages administratifs de la Normandie. Celui de 1956, à l’origine de la division actuelle entre Haute et Basse-Normandie, a été conçu initialement pour des raisons économiques et n’avait pas vocation à servir de cadre définitif à la décentralisation régionale. Les travaux du politiste Thomas Procureur ont d’ailleurs montré que la perspective d’une fusion des deux régions normandes, envisagée dès les années 1970, a échoué à l’époque, non en raison d’une hostilité du ministère de l’Intérieur, qui y était en fait plutôt disposé, mais par la crainte des barons hauts et bas-normands de voir leur leadership local se dissoudre dans un ensemble trop vaste.

Faiblesse du régionalisme, force de l’identité normande

Face à ces divisions internes, le régionalisme normand n’a jamais représenté une force politique majeure. Le normandisme, courant identitaire fondé sur la valorisation des origines scandinaves du duché de Normandie, ou, à partir des années 1970, les associations régionalistes, malgré leur indéniable rôle pionnier, ne sont jamais parvenus à susciter une adhésion massive. Les militants favorables à la ‘réunification’de la Normandie, dont certains élus issus pourtant de différents partis, n’ont quant à eux jamais réussi à transformer leur aspiration en mouvement populaire.

Cette timidité du régionalisme politique, qui fait contraste avec la Bretagne ou l’Alsace, tranche avec la puissance de l’identité normande, à l’intérieur comme à l’extérieur du territoire. L’historien François Guillet a étudié la façon dont l’image de la Normandie a été réinventée tout au long du XIXe siècle. Sous l’œil d’illustrateurs et d’écrivains, souvent anglais ou parisiens, mais aussi d’érudits normands, comme Arcisse de Caumont, la Normandie devient peu à peu une province pittoresque, réservant aux villégiaturistes mille splendeurs monumentales surgies du passé médiéval. Cette patrimonialisation de l’identité normande a été progressivement réinvestie dans l’imagerie du tourisme, des cartes postales ou même les publicités pour les produits laitiers. La Normandie apparaît alors sous les atours d’une province prospère et charmante. Les impressionnistes compléteront cette iconographie en magnifiant les atmosphères contradictoires que la Normandie, en plein essor industriel, leur laisse percevoir.

Cette image de la Normandie, construite tout au long du XIXe siècle, s’est progressivement incrustée dans les représentations, au point d’empêcher tout renouvellement significatif, sinon pour intégrer les souvenirs tragiques de la Seconde Guerre mondiale. La prépondérance de cette ancienne Normandie dans l’imaginaire collectif a certainement pesé dans la difficulté qu’ont eue Haute et Basse-Normandie à affirmer leur identité et leur légitimité auprès des populations.

Quelle place parmi les nouvelles régions françaises?

L’axe Seine et son prolongement maritime seront plus que jamais au cœur de la nouvelle région. C’est là que se développe l’aire métropolitaine normande, incluant les agglomérations de Rouen, du Havre et de Caen, qui rassemble près d’1,5 million d’habitants, de loin la principale concentration urbaine du Bassin parisien (en dehors de la capitale). En jouant sur leurs réelles complémentarités et en oubliant leurs égoïsmes passés, elles peuvent renforcer leur attractivité et jouer le rôle de locomotive au sein du territoire régional. La longue façade littorale (plus de 600 km) constituera un atout fondamental en combinant un puissant organisme portuaire, une forte tradition de tourisme balnéaire et des énergies marines renouvelables. Entre terre et mer, la Normandie pourrait se construire un nouvel avenir, sa taille relativement modeste dans le nouveau contexte régional français ne constituant pas en soi un handicap pour peu que nos décideurs fassent les bons choix ».

Arnaud Brennetot, géographe, université de Rouen, laboratoire CNRS IDEES; Fabrice Desnos, historien du droit, Université de Rouen, laboratoire CUREJ; Gérard Granier, agrégé de géographie.

 

sur votre agenda

– vendredi 16 janvier 2015, 18h-20h, «Comment gouverner la Normandie demain?»

– vendredi 13 février 2015, 18h-20h, «La Normandie face aux défis du développement»

– vendredi 20 mars 2015, 18h-20h, «Région, départements intercommunalités: comment mettre les institutions en cohérence?»


 

La réponse de Didier PATTE, président du Mouvement Normand:

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