Quel syndicat pour un salariat émietté?

PAR PHILIPPE LATTAUD, SECRÉTAIRE CONFÉDÉRAL DE LA CGT.

 

 Les syndicats de site font partie des différentes expériences de la CGT pour s’adapter aux réalités du salariat. Il s’agit de briser l’isolement lié à la taille de l’entreprise et de créer des solidarités sur la base d’intérêts communs. Exemple : l’ouverture des magasins le dimanche dans une zone commerciale touche, de fait, l’ensemble des commerces et services qui y sont implantés. De même pour les problèmes de transport, de restauration collective, etc., auxquels sont confrontés les salariés. Cette forme d’organisation permet aussi de réunir sur certains sites des salariés d’entreprises donneurs d’ordres, de sous-traitants ou, plus généralement, de sociétés de services intervenant dans le même périmètre. Cela peut être le cas sur des sites industriels mais également dans le périmètre de services publics, tels que l’hôpital. Un tel syndicat, de dimension multiprofessionnelle, est donc amené à traiter de différentes conventions collectives et de différentes revendications sectorielles, tout en nourrissant les convergences entre les salariés. Il n’y a pas un modèle de syndicat applicable en tout lieu et en toute circonstance, et encore moins imposé d’en haut. L’important, c’est d’imaginer, avec les syndiqués concernés, des formes d’organisation qui ne laissent personne de côté. Nous voulons que chaque syndiqué à la CGT soit en mesure de défendre ses intérêts dans un cadre collectif. À cet effet, nous avons commencé à mettre au point un dispositif d’accueil des nouveaux syndiqués, leur permettant d’être tout de suite en contact avec la CGT, et de s’organiser le plus vite possible dans un syndicat. La généralisation de la sous-traitance et les transformations économiques et managériales des entreprises ont cassé les grands collectifs de travail pérennes. De nouveaux métiers tels que les services à la personne, émergent, souvent dans des cadres très déréglementés. Il faut aussi savoir que 53 % des salariés travaillent dans des entreprises de moins de 50 salariés dont, parmi eux, 4, 2 millions dans des TPE (– de 11 salariés). Ces derniers ne disposent d’aucune institution représentative pour défendre leurs droits. Quant aux salariés des grandes entreprises, ils ne sont pas préservés de l’isolement. Ils sont de plus en plus confrontés à des objectifs individualisés souvent irréalisables et face à une hiérarchie aux contours de plus en plus fl ous. Il faut en convenir, au fi l du temps le syndicalisme a subi ces mutations. On estime qu’environ 20 % du salariat a un contact direct avec la CGT, la première organisation… Notre renforcement syndical et notre adaptation au salariat d’aujourd’hui sont donc indissociables. Lors de son dernier congrès, en 2009, la CGT invitait ses syndicats, ses organisations territoriales et professionnelles à travailler ensemble vers cet objectif. C’est encore plus justifi é au regard des enseignements que nous tirons de la bataille des retraites. Cette bataille a été formidable du point de vue des convergences et de notre aptitude à travailler ensemble pour mobiliser le plus grand nombre. Nous estimons même avoir mis Nicolas Sarkozy en échec, sur le plan des idées, en matière de retraite. Mais nous sommes conscients que cela n’a pas suffi pour empêcher son passage en force. Cette situation nous interpelle : quel rapport de forces faut-il construire de manière durable ? Et comment le construire ? Nous estimons que cela passe, entre autres et pour ce qui concerne la CGT, par un ancrage de nouveaux rapports de forces au plus près des lieux de travail, par la mise en place de nouveaux espaces de solidarité entre les salariés au quotidien et par l’offre d’une réponse syndicale aux 80 % d’entre eux qui en sont encore éloignés. La période nous semble fertile et propice.

Posts created 516

Articles similaires

Commencez à saisir votre recherche ci-dessus et pressez Entrée pour rechercher. ESC pour annuler.

Retour en haut