CCCXX.

Jérôme, neveu, rentre du Canada. Retour définitif. Un an à l’université de Winnipeg lui suffit. De fait, Jérôme trouve nos cousins un brin pieds plats. Surtout, il s’y ennuyait. Avec eux ou pas. La vieille France et la vieille université, bonnes filles, s’accordent pour l’accueillir. Ce sera à Poitiers. Et ce sera moins loin. Moins froid aussi. Car j’ai beau avoir un neveu valeureux, il y a des températures irraisonnables.

Poitiers, sous ce dernier aspect, devrait, comme on dit remettre les thermomètres à l’heure. Dans le genre tempéré, Jérôme croisera, sous les fameuses arcades, le fantôme de Pierre de Ronsard. Dame, nous sommes en France, il s’agit de l’indiquer. Je crains cependant que ses futurs élèves ne soient guère taillés dans la même étoffe. Vous me direz les professeurs, venus de Winnipeg ou pas, ont les élèves qu’ils méritent. Vous n’aurez pas tort.

Rentré, mon neveu est décidé à en découdre. Il attend tout (ou presque) de la future campagne électorale. Le Canada ne s’emballait guère sur ce plan. Ah, Jérôme et la politique ! Je l’ai connu rouge, rose, orange, vert… Tour à tour, chaque couleur supportant autant de nuances. Nous sommes bien de la même famille. Quelles belles conversations nous allons avoir ! Ce qui m’étonne : Jérôme ne se résigne pas. S’il se désillusionne, ce n’est jamais lui. Ce sont les autres. L’âge viendra-t-il où son arc en ciel se résumera au ciel rouennais, à savoir un gris profond ?

Mais revenons à Pierre de Ronsard dont une rose porte le nom (elle est blanche paraît-il). En son temps, le bonhomme écrivit beaucoup de pages restées fameuses. Sans doute trop. On raconte qu’il était sourd et toujours amoureux, qu’il se fâcha avec nombre de gens et mourut vieux. La surdité mise à part, un type dans mon genre. Il connut autant de rois que moi de présidents de la République. A la longue, ça fait réfléchir. Ça calme. Si mes artères tiennent, j’en connaîtrai un autre (dernier ?) l’année prochaine.

Pierre de Ronsard, né sous François 1er, est mort sous Henri III. Inutile de corriger, j’ai vérifié. Oui, mon professeur d’histoire (vieux maurrassien) nous enseignait son Ronsard. Il m’en reste au deux ou trois choses. Vous me direz, et vous n’aurez pas tort, que les élèves ont les professeurs qu’ils méritent.

Il y a, à Rouen, une école maternelle Ronsard. Il paraît que les enfants y sont infernaux. Ils veulent travailler pendant les vacances et s’amuser les autres jours. L’alphabet les ennuie, les chiffres encore plus. Ils veulent tout et rien. Ce ne sont que commandements, négociations et mauvaises têtes. Quant à la cantine, mieux vaut passer sous silence ce qui s’y passe.

On a beau leur enseigner la patience, eux non plus ne se résignent pas. Ils attendent d’avoir l’âge de voter et alors on verra ce qu’on verra. Vrai aussi, que parqués du côté de la Grand Mare, ils ont beau jeu d’invoquer leur vieux maître : Vivez si m’en croyez, n’attendez à demain, cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie… 

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