La Corée du Sud en panne d’électricité après un scandale

 

Centrale nucléaire située dans l'Arkansas.

 

LE MONDE |  |Par Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance)

 

Il fait plus chaud que d’habitude, cet été en Corée du Sud, et la population souffre. Dans les bâtiments publics, les employés doivent travailler avec des climatiseurs réglés au minimum sur 28 °C et utiliser autant que possible les escaliers. Les industriels doivent abaisser leur consommation de 15 % à certaines heures.

Les réductions de consommation imposées par le gouvernement restent pourtant insuffisantes. Vendredi 16 août, la Compagnie d’électricité de Corée (Kepco), monopole d’État, a émis une énième alerte au risque de pénurie. L’alimentation en électricité de la onzième économie mondiale est devenue un casse-tête, avec l’arrêt, au printemps, de six des vingt-trois réacteurs nucléaires du pays puis, début août, de deux centrales au charbon.
Ces arrêts ne sont pas uniquement d’ordre technique. Ils sont avant tout, reconnaissent les autorités, la conséquence des scandales de corruption qui secouent la filière nucléaire. Après une affaire des pièces contrefaites, en 2012, celle-ci est à nouveau mise en cause, cette fois pour de faux certificats de sécurité. Une enquête ouverte en avril a révélé que des éléments sensibles – notamment des câbles – avaient été installés sur quatorze réacteurs sur la foi de ces faux documents.
404 000 EUROS AU DOMICILE D’UN CADRE DE KOREA HYDRO
L’affaire impliquerait depuis plusieurs années une cinquantaine de sociétés. Des cadres de l’entreprise chargée de la construction et des contrôles de sécurité sur les centrales auraient reçu des ordres de leur maison mère, Korea Hydro & Nuclear Power, elle-même filiale de Kepco, pour fermer les yeux. Les enquêteurs ont aussi découvert 600 millions de wons (404 000 euros) en liquide au domicile d’un cadre de Korea Hydro. Cet argent proviendrait de Hyundai Heavy Industries, une entreprise qui souhaitait obtenir des contrats dans le nucléaire.
L’ampleur des malversations a contraint le gouvernement à arrêter plusieurs réacteurs. D’autres mesures similaires pourraient suivre, car l’examen de 120 000 certificats de sécurité émis depuis dix ans se poursuit. Pas de quoi rassurer une population méfiante depuis la catastrophe japonaise de Fukushima. Le projet du gouvernement de porter la part du nucléaire dans la production d’électricité à 59 % en 2030, contre 29 % aujourd’hui, risque donc d’avoir du mal à passer, même si la présidente, Park Geun-hye, a promis des réformes. Des têtes sont déjà tombées dans les filiales de Kepco, et le pantouflage – le recrutement de retraités de l’entreprise publique par le secteur privé – devrait être interdit.
« LITANIE D’AFFAIRES DE CORRUPTION, CULTURE DE L’OPACITÉ »
Il en faudrait plus pour modifier les habitudes. « Ces trente dernières années, notre industrie nucléaire est devenue une communauté fermée, déplorait en juin le ministère du commerce, de l’industrie et de l’énergie. Elle a engendré une litanie d’affaires de corruption, une culture de l’opacité et de pratiques marquées par l’autosuffisance. »
L’Institut coréen de sûreté nucléaire, un des organes de régulation, est financé à 60 % par Korea Hydro, alors que la Commission de sûreté et de sécurité nucléaires est régulièrement critiquée pour ses liens étroits avec l’industrie.

 

 

 

 

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