Énergies renouvelables : le recours aux appels d’offres n’est pas toujours pertinent

 

Dans son rapport sur la politique des EnR publié en juillet, la Cour des comptes souligne que tous les dispositifs de soutien ne sont pas efficients. Elle se montre très critique sur les appels d’offres, notamment pour l’éolien en mer et la biomasse.

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Energies renouvelables : le recours aux appels d'offres n'est pas toujours pertinent

« Les appels d’offres [sont] une procédure parfois non justifiée, pas toujours efficace et aux effets déstabilisants », analyse la Cour des comptes dans son rapport sur la politique de développement des énergies renouvelables (EnR) publié en juillet dernier. Ce rapport, qui dénonce une politique chère et peu efficiente, passe en revue les différents dispositifs de soutien aux EnR, et est particulièrement critique sur les appels d’offres.

La Cour des comptes préconise donc de réserver ces dispositifs aux filières les plus en retard dans la réalisation de leurs objectifs de capacité et aux installations qui ne bénéficient pas d’un tarif d’achat fixé par arrêté, afin d’éviter des effets d’aubaine. En revanche, « le besoin de recourir [aux appels d’offres] lorsque les objectifs d’installation des capacités ne sont pas menacés ou lorsque le coût devient trop élevé, doit être systématiquement évalué ».

Un moyen d’atteindre les objectifs de la PPI

« Les appels d’offres ont pour finalité de soutenir les filières en retard de capacité », rappelle la Cour des comptes,qui cite dans son rapport l’article L.311-10 du code de l’énergie. Celui-ci prévoit que le ministre en charge de l’Energie peut recourir aux appels d’offres pour atteindre les objectifs définis dans la programmation pluriannuelle des investissements (PPI). Pourtant, notent les Sages, « cette procédure est parfois utilisée pour développer des filières qui sont d’ores et déjà en avance sur leurs objectifs ». A l’instar du photovoltaïque, qui a bénéficié de plusieurs appels d’offres en 2011 et 2013, « alors que la capacité déjà installée et celle en file d’attente de raccordement dépassent déjà les objectifs fixés pour 2020″.

En outre, certains appels d’offres n’ont pas permis d’atteindre les objectifs de puissance attendus. C’est le cas des appel d’offres pour l’éolien terrestre en 2004 (278 MW retenus contre 500 MW attendus) et 2010 (66 MW retenus contre 95 MW attendus) ou de l’appel d’offres pour le photovoltaïque de puissance comprise entre 100 et 250 kW (37,5% de la puissance attendue). Dans d’autres cas, les projets retenus ne sont pas tous réalisés. Pour l’appel d’offres sur les projets de cogénération à partir de biomasse, seulement 30% des projets sélectionnés auraient été effectivement réalisés.

Eolien en mer : une procédure précipitée ?

Les conditions de lancement de l’appel d’offres sont également déterminantes pour sa réussite. Ainsi, la Cour des comptes s’est penchée sur l’appel d’offres lancé en 2011 pour développer l’éolien offshore. Selon elle, il « n’a pas réuni les meilleures conditions pour limiter les prix. Le délai de six mois laissé aux candidats pour déposer une offre a donné un avantage comparatif au seul candidat bénéficiant d’études de vents antérieures sur les zones concernées ».

De plus, « le site de Saint Brieuc a été attribué à la société Ailes marines SAS recourant aux turbines Areva alors que la société EMF était mieux classée par la CRE » (Commission régulation de l’énergie) et que son prix de rachat de l’électricité était moins élevé, indiquent les Sages. Ils regrettent d’ailleurs que les décisions ministérielles ne respectent pas toujours les notations de la CRE, réalisées pourtant à partir de « critères transparents et objectifs ».

Autre critique : le développement de cette filière a été justifié par la manne d’emplois qu’elle représentait. Pourtant, analyse la Cour, cet appel d’offres a été lancé avec une méconnaissance des impacts socio-économiques du développement de la filière : une seule étude a été commandée à un cabinet de conseil. Or, les investissements prévus par les porteurs de projets à Brest et au Havre « ne seront rentables que si des marchés en Manche et Mer du Nord sont accessibles à l’exportation ». Dans le cas contraire, « de nouveaux appels d’offres, financés par une augmentation de la contribution au service public de l’électricité (CSPE), risquent d’apparaître comme la seule solution pour maintenir le plan de charge des usines françaises ». Aujourd’hui, le coût des projets retenus dans le cadre du premier appel d’offres est estimé à 1,1 Md€ par an de 2020 à 2040…

La procédure par appel d’offres n’a d’ailleurs pas les faveurs des professionnels. France énergie éolienne (FEE) plaidait, en avril dernier, peu après le lancement d’un deuxième appel d’offres, pour une planification spatiale maritime.

Biomasse : de « gros projets » déstabilisants pour les marchés locaux

Pour les appels d’offres biomasse, la Cour des comptes regrette également que les conséquences, notamment locales, n’aient pas été anticipées. « Les appels d’offres instruits par la CRE pour la construction d’installations produisant de l’électricité à base de biomasse présentent, outre leur faible taux de réalisation, l’inconvénient majeur de déstabiliser les marchés locaux qui ne disposent pas d’un potentiel de biomasse suffisant ». Parmi les « gros projets » pointés du doigt, qui nuisent aux petits projets locaux, est notamment cité celui porté par EON à Gardanne (13). Ce projet visant à produire principalement de l’électricité, affiche un taux d’efficacité énergétique modeste par rapport aux projets de cogénération et devrait importer 48% de granulés du continent américain, souligne la Cour des comptes. Ce projet avait été classé en dernière position par la CRE, à l’issue de l’appel d’offres de 2010, mais a néanmoins reçu l’aval ministériel. D’ailleurs, sur quinze projets retenus, neuf avaient obtenus de mauvaises notations.

De ce fait, les Sages concluent que « le coût du recours aux appels d’offre pour soutenir des installations de production électrique à partir de biomasse, même si la production est réalisée en cogénération, est trop élevé au regard de l’impact sur les ressources locales. Ce mode de soutien doit être arrêté ». D’ailleurs, le gouvernement n’envisagerait pas de lancer de nouveaux appels d’offres pour ce type d’installations.

Sophie Fabrégat

 

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