Autorisation du maïs TC 1507 : symbole d’une Europe anti-démocratique ?

Faute de majorité qualifiée des États membres contre sa proposition, la Commission européenne va autoriser la culture du maïs 1507. Le règlement qui vise à donner aux États membres la liberté d’interdire la culture d’OGM devrait être examiné en mars.

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Ce vote était décisif. Faute de majorité qualifiée (73,9% des votes) contre la proposition de la Commission européenne d’autoriser la culture du maïs TC1507, cette dernière devrait être adoptée. La comitologie européenne prévoit en effet qu’en l’absence de majorité qualifiée, la décision finale revient à la Commission européenne.

Autrement dit, le maïs génétiquement modifié produit par la société Pioneer pourrait être cultivé sur le territoire européen prochainement. Le commissaire à la Santé Tonio Borg est néanmoins resté prudent et n’a pas souhaité avancer de dates sur l’adoption de cette proposition.

Si dix-neuf États membres ont voté contre (dont la France, la Hongrie, l’Irlande, les Pays-Bas) et cinq ont voté pour (l’Espagne, le Royaume-Uni, la Suède, la Finlande et l’Estonie) représentant 21,87% des voix, c’est finalement l’abstention de quatre États (l’Allemagne, la Belgique, la République tchèque et le Portugal) représentant au total 18,46% des voix, qui a fait pencher la balance.

Treize ans de procédure et pas de consensus

France : un nouveau moratoire en avril ? Une proposition de loi française, déposée le 4 février par un député socialiste avec le soutien du gouvernement, souhaite interdire la culture de maïs OGM en France. Elle devrait être examinée par le Sénat le 17 février prochain et par l’Assemblée nationale le 10 avril.

Anticipant les critiques et les oppositions sur cette situation, le commissaire Borg a souhaité remettre les choses à plat : « La proposition de culture de ce maïs a été faite par la Commission européenne il y a treize ans, en 2001. On ne peut pas dire que la Commission a précipité les choses. Quatre commissions se sont attelées sur ce dossier, il y a eu six avis favorables de l’Efsa et deux arrêts de la Cour de justice ». En septembre dernier, la Commission a en effet été rappelée à l’ordre par le Tribunal de l’Union européenne, après un recours formé par la société Pioneer, car elle tardait trop à présenter le dossier au Conseil.La Commission l’a donc remis à l’ordre du jour, il revenait aux États membres de la valider ou de la refuser. Le commissaire Borg, lors de la conférence de presse organisée à l’issue du Conseil, a souhaité mettre les États face à leur responsabilité : « Ceux qui se sont abstenus savaient qu’ils se prononçaient en faveur de cette proposition. Le droit est très clair sur la comitologie : s’il n’y a pas de majorité qualifiée négative contre l’avis, la Commission peut adopter la proposition ». Il a également rappelé que le maïs 1507 était déjà autorisé à l’importation sur le territoire européen pour l’alimentation humaine et animale.

Pour dissiper les tensions, il a néanmoins remis sur la table la proposition de la Commission, datant de 2010, qui vise à donner le droit aux États membres de s’opposer à une culture des OGM sur leur territoire pour des raisons autres que la santé et l’environnement. « J’espère que dans les semaines à venir, nous aurons une discussion complète sur la proposition du président Barroso. Dernièrement, 25  États membres s’y sont dit favorables, 3 se sont abstenus. Il suffit qu’un État de plus vote en faveur de cette proposition pour que le Conseil l’adopte. Je suis optimiste ». Il a rappelé les grands principes de cette proposition de subsidiarité : « Lorsque le Conseil votera contre une autorisation d’OGM, ce sera « non » pour tout le monde. Lorsqu’il votera pour, ce ne sera pas un « oui pour tous » ».

Une décision anti-démocratique ?

Le ministre grec des affaires étrangères, dont le pays assure la présidence tournante de l’UE depuis le 1er janvier, s’est engagé à mettre cette proposition à l’ordre du jour des prochains Conseils Environnement et Agriculture, en mars. Revenant sur le vote du jour, il a déclaré : « La position des États membres est assez claire. Il y a 19 États membres qui sont contre l’acceptation. Or, la proposition est validée sur la base de la comitologie et des mécanismes institutionnels de l’UE. C’est un volet très sensible à quelques semaines de l’ouverture des élections européennes« .

Un avis partagé par Greenpeace Europe. « Une grande majorité des pays de l’UE a voté contre« , rappelle l’association dans un communiqué, soulignant également que mi-janvier, les députés européens ont appelé les États membres à invalider cette demande d’autorisation. « La Commission ne peut pas ignorer les préoccupations scientifiques, politiques et juridiques exprimées par une grande majorité de pays, par les deux tiers du Parlement européen et partagées par la plupart des citoyens de l’UE », déclare le représentant Agriculture de l’ONG.

L’eurodéputée démocrate Corinne Lepage appelle elle aussi la Commission à rejeter cette autorisation : « La Commission ne peut pas se cacher derrière de vieilles procédures anti-démocratiques pour justifier cette autorisation, sauf si elle veut donner l’image d’une Europe qui défend les multinationales plutôt que les citoyens, et qui n’a rien appris de la controverse de ces vingt dernières années. L’Europe n’a pas besoin de ce maïs transgénique, et elle n’en veut pas ». Selon elle, la discussion sur la proposition de subsidiarité, dont elle-même a été rapporteur (12978), doit être « l’occasion d’une réforme plus large de la procédure d’évaluation et d’autorisation des OGM, dont le débat d’aujourd’hui a montré toute l’absurdité ».

Sophie Fabrégat

 

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