Les chefs d’Etat européens font profil bas sur le climat

LE MONDE | | Laurence Caramel

Philippe Martin, ministre français de l'environnement, et Sigmar Gabriel, vice-chancelier allemand, le 4 mars à Bruxelles.

Ceux qui attendent encore que l’Europe parle d’une voix forte et unie sur le climat, lors du sommet des chefs d’État des jeudi 20 et vendredi 21 mars à Bruxelles, vont être déçus. Outre que le sujet risque de passer au second plan derrière la crise ukrainienne, au menu du Conseil, les Vingt-Huit restent divisés sur les objectifs qu’ils doivent se fixer à l’horizon 2030. La déclaration finale du sommet devrait évoquer « un objectif en ligne avec les engagements de l’Union européenne pour 2050, et plus ambitieux que là où conduirait la seule prolongation des efforts aujourd’hui déployés », selon le projet de texte que Le Monde s’est procuré.

Pour les initiés, il faut y voir une référence sans équivoque à la cible de 40 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre (par rapport à 1990) proposée par la Commission européenne fin janvier. Mais le chiffre suscite encore trop de résistances de la part de la Pologne et des autres pays d’Europe centrale pour figurer explicitement dans le compromis final.

SIGNAL POLITIQUE

« C’est dommage », reconnaît-on au ministère de l’écologie. C’est la France qui, au printemps 2013, avait convaincu ses partenaires européens de faire de ce sommet des chefs d’État une échéance importante sur la route de la négociation climatique qui doit conduire à la signature du premier accord mondial, en décembre 2015, à Paris. Cet accord, dont le principal objectif serait de contenir la hausse moyenne des températures à la surface du globe en deçà de 2 °C, entrerait en vigueur en 2020.

L’ambition des Européens était – en posant les premiers un chiffre sur la table – d’envoyer un signal politique fort pour inciter les autres pays à agir à leur tour. Sans attendre le dernier moment pour commencer à entrer dans le vif des discussions comme lors du funeste sommet de Copenhague en 2009.

Maciej Grabowski, ministre polonais de l'environnement, le 26 février à Berlin.

Quoi qu’en dise Paris, le rendez-vous est manqué et l’approche des élections européennes avec le renouvellement de la Commission qui suivra ne va pas faciliter la poursuite des discussions. Le prochain conseil des chefs d’État en juin sera accaparé par la désignation du futur président de la Commission. Vendredi, les chefs d’État devraient renvoyer la décision « au plus tard à la fin de l’année. »

Ce contretemps ne passera pas inaperçu. La semaine dernière à Bonn (Allemagne), où les pays membres de la Convention climat des Nations unies étaient réunis, l’ambassadrice de l’Alliance des petits États insulaires, Marlène Moses, avait jugé l’objectif de 40 % insuffisant en demandant « aux chefs d’État européens d’être plus ambitieux » lors de leur rencontre du 21 mars.

LA CRISE UKRAINIENNE, ARGUMENT POUR LA POLOGNE

C’était mal évaluer l’ampleur des divergences entre les Vingt-Huit. La crise ukrainienne est venue donner de nouveaux arguments à la Pologne dans son plaidoyer pro-charbon. Varsovie met en avant sa vulnérabilité face à la Russie, dont elle dépend pour près de la moitié pour ses approvisionnements en gaz. C’est certes beaucoup moins que la Finlande et l’Estonie (100 %, selon les chiffres 2011 de la Commission) ou la Grèce (76 %), mais ce n’est certainement pas le moment pour l’ex-pays du bloc de l’Est d’abandonner sa principale source d’énergie, si polluante soit-elle. Sauf à ce que l’Union européenne promette de contribuer financièrement aux investissements nécessaires pour l’accompagner dans sa transition énergétique. Ce n’est pas impossible, mais cette négociation prendra du temps.

Dans l’immédiat, Varsovie mais aussi d’autres pays attendent que la Commission européenne évalue dans le détail l’impact qu’aurait pour chaque État le passage à un objectif de réduction des émissions de 40 % et fasse des premières propositions sur la répartition de l’effort entre les vingt-huit États membres.

D’autres sujets devront être réglés avant tout nouvel engagement, comme les mécanismes de soutien aux énergies renouvelables, l’évolution des prix de l’énergie ou l’impact sur la compétitivité de l’industrie européenne. Les présidents devraient valider cette feuille de route vendredi.

Laurence Caramel
Journaliste au Monde

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