Jean-Louis Jegaden (PCF) : « Que l’Etat cesse de rançonner les collectivités locales et leurs habitants »

«En séance du Département de la Seine-Maritime consacrée aux orientations budgétaires, le 21 novembre, les élus Communistes et Républicains ont lancé des cris d’alarme pour que l’État change sa politique avant qu’elle nuise définitivement à la capacité des communes ou des départements à répondre aux besoins quotidiens de leurs administrés dans tous les domaines de leur vie : les solidarités, la petite enfance, l’éducation, les personnes âgées, les déplacements, la tranquillité, le cadre de vie, la cohésion sociale, le développement économique donc l’emploi…

La préparation du budget du Département pour 2015 s’inscrit dans un contexte particulièrement inquiétant, marqué par une crise économique qui n’en finit pas de frapper la vie des gens et par une politique de coups portés par l’État en direction des collectivités locales les conduisant à l’asphyxie. Si l’on en restait là, ce budget, utile à la vie quotidienne de près d’un million trois cent mille Seinomarins, serait insuffisant pour répondre aux besoins fondamentaux de ce territoire et de ses habitants.

Pour les collectivités, l’insuffisance des dotations de l’État (qui ne sont pas des cadeaux mais un juste financement des politiques et dispositifs que l’État leur a demandé de mettre en œuvre), les conséquences successives des décisions gouvernementales sur leurs budgets (comme la réforme des rythmes scolaires ou la suppression de la Taxe professionnelle qui n’a pourtant créé aucun emploi), ou encore la rançon demandée à travers les 3,7 milliards d’euros ponctionnés sur les collectivités locales à partir d’une richesse pourtant produite sur leurs territoires, les met désormais clairement en péril.

Si les communes et les départements, qui, eux, n’ont pas le droit au déficit, se voient privés par l’État des moyens de fonctionner :

– ils se retrouveraient en situation de simple gestionnaire comptable de politiques désastreuses décrétées à Bruxelles ou à Paris, en répercutant sur leur propre action l’incapacité de l’État à sortir de la crise parce qu’il reste prisonnier volontaire d’un modèle libéral néfaste pour le genre humain ;

– ils se retrouveraient à diminuer dangereusement des budgets utiles au risque de mettre en péril l’essence même des politiques conduites ou des prestations dont les bénéficiaires ont besoin ;

– ils se retrouveraient à supprimer des investissements publics qui pourtant soutiennent l’activité économique et l’emploi ;

– ils se retrouveraient à devoir s’endetter pour boucler leurs budgets et ainsi payer à la place de l’État une partie de sa dette. Le désendettement de l’État par l’endettement des collectivités est un poison mortel ;

– ils se retrouveraient à être obligés, en l’absence d’une réforme globale et cohérente de la fiscalité que le gouvernement se refuse d’engager, à augmenter toujours plus la fiscalité locale, alourdissant ainsi la note fiscale de ceux qui en ont assez, et en ne pouvant pas agir au niveau local sur ceux qui en ont bien suffisamment pour pouvoir contribuer un peu plus à l’effort de solidarité.

Notre Département, parce qu’il est connecté au quotidien des gens, parce qu’il connaît les problématiques et enjeux de son territoire, doit avoir les moyens de mener à bien ses politiques publiques. La rigueur austère décrétée par l’État n’est pas une fatalité, elle ne conduit qu’à la misère, n’étant pas un remède mais une camisole qui tue à petit feu l’action publique, donc la capacité du politique, la capacité de la démocratie à agir dans l’intérêt de ses citoyens.

Malgré la crise, la France n’est pas devenue subitement un pays pauvre. La France est le 5e pays le plus riche du monde avec un Produit intérieur brut (PIB) en progression de + 4,52 % estimé pour 2014.

Simplement, le gouvernement a fait d’autres choix, notamment en faveur des grosses entreprises ou le refus d’appliquer au capital financier cette fameuse solidarité nationale qu’il prétend demander aussi aux collectivités, aux salariés, aux retraités.

308 milliards de revenus financiers sont exemptés de toutes cotisations qui pourtant pourraient dégager 25 milliards par an pour l’ensemble du régime général de la sécurité sociale.

Le CICE (Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi) sert avant tout à renforcer les profits, sans contrepartie, sans créer le moindre emploi, pire encore il accompagne parfois des plans de licenciements dans des groupes en bénéficiant. Ainsi, la Poste a réduit de 1,8 % ses effectifs, soit 4 500 suppressions d’emplois après avoir touché 297 millions du CICE. La lutte efficace contre l’évasion fiscale boucherait à elle seule le déficit de l’État.

Contrairement à ce que l’on veut faire croire, en France, le problème n’est donc pas de gérer la pénurie constatée mais d’accroître la richesse publique par une meilleure répartition des richesses du pays.

Le gouvernement ne peut plus continuer à miser aveuglément sur le grand patronat et le capital en consacrant de larges parts d’argent public qui, à l’arrivée, servent la rémunération des actionnaires et non l’emploi. Il doit au contraire faire confiance aux collectivités, qui sont responsables du peu de croissance subsistant encore, aux petites entreprises et artisans, qui maillent le territoire en mouillant le maillot sans risque de délocalisation ou de mondialisation, aux habitants, qui peuvent relancer la croissance par la consommation à condition de ne plus voir leur pouvoir d’achat baisser jusqu’à l’étranglement.

Pour que notre Département garde les moyens de son action, donc de son utilité, nous appelons tous les élus locaux, dans leur diversité, tous les citoyens, leurs organisations associatives ou syndicales à se mobiliser pour exiger de l’État, donc du gouvernement, les moyens de répondre aux besoins des Seinomarins.

L’État semble devenu sourd et impuissant, il est temps de le réveiller avant qu’il ne soit trop tard. Telle est le sens du rassemblement, à l’initiative de Thierry Foucaud, vice-président du Sénat, devant la préfecture, à Rouen, ce jeudi 11 décembre, à partir de 12 h 30 pour dire : ça suffit, nous voulons des moyens pour nos territoires. »

Jean-Louis Jegaden, conseiller général, président du groupe communiste et républicain au conseil général de la Seine-Maritime, conseiller municipal du Havre

Article sur : http://www.paris-normandie.fr/detail_article/articles/2062585/actualites+tribunes-et-opinions/jean-louis-jegaden–que-l-etat-cesse-de-nous-ranconner#.VIgnL13do6s

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