Retraites : la création d’un compte pénibilité est une conquête qui fera date dans l’histoire de la République sociale

Hier, l’Assemblée nationale a entamé l’examen du projet de loi pour garantir l’avenir et la justice du système de retraites. Je suis intervenu pour soutenir la création d’un compte personnel de prévention de la pénibilité. Vous pouvez retrouver la vidéo de mon intervention et consulter mon intervention ci-dessous.

*

*  *

 

Madame la Ministre,

Madame la Présidente de la Commission,

Madame la Présidente de la Délégation aux droits des femmes,

Messieurs les rapporteurs,

Chers collègues,

 Le projet de loi qui nous réunit a pour but de consolider et de personnaliser notre système solidaire de retraites. C’est pourquoi cette réforme a été discutée – un an a séparé la feuille de route et la concertation – et c’est pourquoi elle est financée – les orientations fixées par le Gouvernement garantissent l’équilibre des régimes en 2020.

 Mais nos débats ne portent pas seulement sur la méthode – même si la forme, c’est le fond qui remonte à la surface – ni sur les ressources – même si on avait cru comprendre que les décisions passées allaient, c’était promis-juré, financer durablement le système par répartition. Monsieur BERTRAND parlait tout à l’heure de « grande première ». J’ai souvenir qu’en 2010, pour ce qui est des retraites, lui et ses amis promettaient aux Français une « grande dernière ». C’est une invitation à davantage d’humilité.

 Notre sujet, c’est le pacte social et ce qui le fonde : solidarité entre les générations ou « sauve qui peut » pour chaque individu ? C’est pourquoi, avec la pérennité financière, la réforme des retraites de la gauche apporte plus de justice sociale. Et c’est pourquoi un enjeu met clairement à jour les clivages : celui de la pénibilité.

 Le mois dernier, l’UMP a publié un document sur les retraites où il est écrit que « le dispositif pénibilité [du Gouvernement] trahit une vision dévalorisante du travail ». Au MEDEF, le 17 septembre, on déclarait que « la retraite n’a rien à voir avec la pénibilité ». Ainsi donc, la pénibilité serait hors-sujet au travail et hors-jeu à la retraite.

 En 2003, faute d’être inscrit dans la loi, aucun système collectif pour en tenir compte ne fut concrétisé. En 2010, l’âge légal de départ à la retraite fut repoussé à 62 ans et le droit à une retraite dès 60 ans ne fut envisagé que pour les personnes dont l’incapacité était avérée dès cet âge. Comme si la pénibilité, c’était l’invalidité…

 En 2013, à droite, la pénibilité reste suspecte. Toujours dans le récent texte de l’UMP, je lis, à propos du progrès proposé par le Gouvernement, qu’il inciterait les salariés « à se maintenir dans des emplois jugés « pénibles » » – le mot figure entre guillemets, ces pincettes sémantiques et prudhommesques, celles qu’ici-même, les conservateurs utilisaient en 1891 lors de l’examen du projet de loi sur les caisses de retraites des ouvriers. Pourtant, chers collègues de l’opposition, la pénibilité, elle existe et sans guillemets !

Elle existe dans les données chiffrées qui témoignent des réalités vécues. Dans la France de 2013, l’écart de vie entre un cadre et un ouvrier est aujourd’hui de plus de 6 ans, et il est de 9 ans pour l’espérance de vie en bonne santé. Cette injustice, nous la dénonçons, nous la refusons et nous la combattons !

 La pénibilité, elle existe aussi dans les territoires et dans bien des familles. Je suis l’élu d’une des circonscriptions les plus ouvrières de notre pays dans l’une de ses régions les plus industrielles, la Haute-Normandie. Depuis 5 ans, dans le cadre de l’observatoire régional de la santé et avec le soutien logistique du CHU de Rouen, des médecins du travail ont mis en place le dispositif EVREST – Evolutions et relations en santé au travail – à partir des informations recueillies auprès d’un millier de salariés représentatifs. Ils établissent, sur la base des « facteurs de risques professionnels » dont parlent à ce jour lois et décrets, que les salariés de l’industrie – ils représentent 20% de l’emploi régional – et ceux du secteur de la construction – 7% de l’emploi régional – sont les plus touchés à la fois par les contraintes physiques (port de charges lourdes, exposition aux vibrations) et l’environnement physique agressif (exposition à des agents chimiques dangereux, aux bruits, à des températures extrêmes).

 Oui, les postures pénibles, ça existe. Oui, l’exposition aux poussières et aux fumées, ça existe. Oui, le travail de nuit, le travail répétitif, le travail en équipes successives et alternées, ça existe – dans des usines, sur des chantiers, mais aussi dans les métiers de la santé ou de l’action sociale.

Mes chers collègues, cette réalité économique, cette réalité humaine, ne doit pas seulement être connue : elle doit être reconnue.

 C’est pourquoi je suis fier que le Gouvernement propose à la représentation nationale la création d’un compte personnel de prévention de la pénibilité. Il permettra de convertir les facteurs de pénibilité, tels que les partenaires sociaux les ont définis en 2008, en trimestres de formation, en retraite anticipée ou en temps partiel. Il encouragera aussi les entreprises à repenser les modes d’organisation du travail.

 La discussion parlementaire en précisera ou complétera certaines modalités. Mais une chose est sûre : dans l’histoire de la République sociale, cette conquête fera date. Parce qu’elle donne toute leur place aux travailleurs et toute sa valeur au travail.

 

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Retraites : la création d’un compte pénibilité est une conquête qui fera date dans l’histoire de la République sociale

Hier, l’Assemblée nationale a entamé l’examen du projet de loi pour garantir l’avenir et la justice du système de retraites. Je suis intervenu pour soutenir la création d’un compte personnel de prévention de la pénibilité. Vous pouvez retrouver la vidéo de mon intervention et consulter mon intervention ci-dessous.

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Madame la Ministre,

Madame la Présidente de la Commission,

Madame la Présidente de la Délégation aux droits des femmes,

Messieurs les rapporteurs,

Chers collègues,

 Le projet de loi qui nous réunit a pour but de consolider et de personnaliser notre système solidaire de retraites. C’est pourquoi cette réforme a été discutée – un an a séparé la feuille de route et la concertation – et c’est pourquoi elle est financée – les orientations fixées par le Gouvernement garantissent l’équilibre des régimes en 2020.

 Mais nos débats ne portent pas seulement sur la méthode – même si la forme, c’est le fond qui remonte à la surface – ni sur les ressources – même si on avait cru comprendre que les décisions passées allaient, c’était promis-juré, financer durablement le système par répartition. Monsieur BERTRAND parlait tout à l’heure de « grande première ». J’ai souvenir qu’en 2010, pour ce qui est des retraites, lui et ses amis promettaient aux Français une « grande dernière ». C’est une invitation à davantage d’humilité.

 Notre sujet, c’est le pacte social et ce qui le fonde : solidarité entre les générations ou « sauve qui peut » pour chaque individu ? C’est pourquoi, avec la pérennité financière, la réforme des retraites de la gauche apporte plus de justice sociale. Et c’est pourquoi un enjeu met clairement à jour les clivages : celui de la pénibilité.

 Le mois dernier, l’UMP a publié un document sur les retraites où il est écrit que « le dispositif pénibilité [du Gouvernement] trahit une vision dévalorisante du travail ». Au MEDEF, le 17 septembre, on déclarait que « la retraite n’a rien à voir avec la pénibilité ». Ainsi donc, la pénibilité serait hors-sujet au travail et hors-jeu à la retraite.

 En 2003, faute d’être inscrit dans la loi, aucun système collectif pour en tenir compte ne fut concrétisé. En 2010, l’âge légal de départ à la retraite fut repoussé à 62 ans et le droit à une retraite dès 60 ans ne fut envisagé que pour les personnes dont l’incapacité était avérée dès cet âge. Comme si la pénibilité, c’était l’invalidité…

 En 2013, à droite, la pénibilité reste suspecte. Toujours dans le récent texte de l’UMP, je lis, à propos du progrès proposé par le Gouvernement, qu’il inciterait les salariés « à se maintenir dans des emplois jugés « pénibles » » – le mot figure entre guillemets, ces pincettes sémantiques et prudhommesques, celles qu’ici-même, les conservateurs utilisaient en 1891 lors de l’examen du projet de loi sur les caisses de retraites des ouvriers. Pourtant, chers collègues de l’opposition, la pénibilité, elle existe et sans guillemets !

Elle existe dans les données chiffrées qui témoignent des réalités vécues. Dans la France de 2013, l’écart de vie entre un cadre et un ouvrier est aujourd’hui de plus de 6 ans, et il est de 9 ans pour l’espérance de vie en bonne santé. Cette injustice, nous la dénonçons, nous la refusons et nous la combattons !

 La pénibilité, elle existe aussi dans les territoires et dans bien des familles. Je suis l’élu d’une des circonscriptions les plus ouvrières de notre pays dans l’une de ses régions les plus industrielles, la Haute-Normandie. Depuis 5 ans, dans le cadre de l’observatoire régional de la santé et avec le soutien logistique du CHU de Rouen, des médecins du travail ont mis en place le dispositif EVREST – Evolutions et relations en santé au travail – à partir des informations recueillies auprès d’un millier de salariés représentatifs. Ils établissent, sur la base des « facteurs de risques professionnels » dont parlent à ce jour lois et décrets, que les salariés de l’industrie – ils représentent 20% de l’emploi régional – et ceux du secteur de la construction – 7% de l’emploi régional – sont les plus touchés à la fois par les contraintes physiques (port de charges lourdes, exposition aux vibrations) et l’environnement physique agressif (exposition à des agents chimiques dangereux, aux bruits, à des températures extrêmes).

 Oui, les postures pénibles, ça existe. Oui, l’exposition aux poussières et aux fumées, ça existe. Oui, le travail de nuit, le travail répétitif, le travail en équipes successives et alternées, ça existe – dans des usines, sur des chantiers, mais aussi dans les métiers de la santé ou de l’action sociale.

Mes chers collègues, cette réalité économique, cette réalité humaine, ne doit pas seulement être connue : elle doit être reconnue.

 C’est pourquoi je suis fier que le Gouvernement propose à la représentation nationale la création d’un compte personnel de prévention de la pénibilité. Il permettra de convertir les facteurs de pénibilité, tels que les partenaires sociaux les ont définis en 2008, en trimestres de formation, en retraite anticipée ou en temps partiel. Il encouragera aussi les entreprises à repenser les modes d’organisation du travail.

 La discussion parlementaire en précisera ou complétera certaines modalités. Mais une chose est sûre : dans l’histoire de la République sociale, cette conquête fera date. Parce qu’elle donne toute leur place aux travailleurs et toute sa valeur au travail.

 

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